Déclaration après les élections aux États-Unis 2024
(90Les élections américaines et l'arrivée de l'administration Trump ont mis l'accent sur la sécurité à la frontière avec le Canada. Parler de sécurité aux frontières suscite des craintes : celles de voir des masses de personnes franchir les frontières. Mais la question est de savoir qui a raison d'avoir peur, et pourquoi.
Avec l'annonce par Trump de déportations massives, ce sont, selon une analyse par le Conseil américain de l'immigration, les 13+ millions de sans-papiers (selon l’American Immigration Council) vivant aux États-Unis qui ont de vraies raisons d'avoir peur. Notre groupe, Créons des ponts, ne craint pas pour notre sécurité, mais plutôt pour la sécurité de ceux et celles qui risqueront leur vie en essayant de trouver la sécurité au Canada. Depuis 2017, nous avons rencontré des centaines de demandeurs d’asile. Nous avons entendu leurs histoires et lu ce qui se passe dans leurs pays. Près de 60% ont reçu le statut de réfugié et beaucoup sont maintenant des résidents permanents et des citoyens. La plupart d'entre eux occupent des emplois essentiels, souvent mal rémunérés, dont nous dépendons.
Avons-nous vraiment des raisons d'avoir peur d'eux ? Depuis la fermeture du ch. Roxham en mars 2023, très peu de personnes sont entrées au Canada de manière irrégulière. Cette année, de janvier à octobre, 1104 personnes ont été interceptées au Canada, principalement en Colombie-Britannique (449), au Québec (541) et au Manitoba (90). L'Ontario reçoit désormais 56 % plus de demandeurs d'asile que le Québec, avec 77 404 demandes enregistrées de janvier à octobre (Québec - 49 635) , accompagnée d’une augmentation de la demande en Colombie-Britannique et en Alberta. Le Québec n'est donc plus la principale destination. En revanche, quelque 21 000 personnes ont été arrêtées aux États-Unis en provenance du Canada. Contrairement aux demandeurs d'asile, ces personnes sont essentiellement à la recherche d'opportunités économiques ou d'un regroupement familial aux États-Unis, et ont souvent recours aux trafiquants.
Les réfugiés arrivant au Canada par voie aérienne ou terrestre (y compris les demandeurs d'asile irréguliers interceptés par la police) sont contrôlés en vertu des mesures strictes de l’entente sur les tiers pays sûrs (ETPS). La grande majorité des personnes demandant l'asile à la frontière terrestre se rendent aux points d'entrée officiels. Environ un tiers d'entre elles sont refusées et renvoyées aux États-Unis. Aussi, le Canada dispose d'un processus de sélection rigoureux qui exclut les demandeurs d'asile pour cause de grande criminalité, de crime organisé, d’enjeux de sécurité et de violations des droits de l'homme. Et, à notre connaissance, il n'y a pas eu de cas documenté de demandeurs d'asile en situation irrégulière ayant causé du tort à des Canadiens à la frontière.
Nous comprenons les inquiétudes suscitées par l'augmentation du nombre de personnes fuyant les États-Unis. Mais le ch. Roxham, un point d'entrée sûr pour les demandeurs d’asile irréguliers est fermé. Les risques et les coûts sont désormais élevés. Qu'ils aient ou non les moyens de payer des passeurs pour les aider à traverser, ces personnes risquent d'être retrouvées, arrêtées et renvoyées aux États-Unis. Ils risquent également leur vie sur des terrains périlleux. Ensuite, après avoir traversé la frontière, et, s'ils ne sont pas détectés, ils doivent trouver un moyen de se cacher pendant deux semaines pour pouvoir déposer une demande d'asile (en vertu de la règle des 14 jours de l’ETPS ). Nous n'avons pas de boule de cristal, mais nous devons nous demander combien d'entre eux peuvent ou vont tenter l'expérience?
Le passage de réfugiés par les bois affecte personnellement plusieurs d'entre nous qui vivent près de la frontière. Les gens trouvent des vêtements et des sacs à dos sur leur propriété. Ces objets personnels nous font sentir la vulnérabilité de la personne qui est passée là. Nous voyons la GRC arrêter des véhicules et interroger les passagers ou les personnes qui se présentent sur notre propriété. Nous n'avons plus affaire à une statistique, mais à des personnes en détresse.
Un agriculteur local m'a dit que nous, qui vivons à la frontière, voyons le visage inhumain des politiques gouvernementales, et pas seulement ici, mais dans le monde entier, où des politiques cruelles, des barbelés, des murs, des policiers, des chiens, des garde-côtes, des hélicoptères, des drones et des capteurs sont utilisés pour arrêter ou empêcher l'entrée de personnes désespérées, les forçant à entreprendre des voyages risqués. Ces mesures contribuent de manière significative aux 68 139 décès documentés dans le cadre des migrations depuis 2014, chaque personne étant un être cher. Des milliers d'autres sont portés disparus
La crise des réfugiés est réelle ; elle n’est pas présente chez nous, mais plutôt partout où les gens doivent fuir la violence, la guerre, la persécution, le féminicide, le contrôle des gangs et les catastrophes climatiques. Aujourd'hui, il y a plus de 120 millions de personnes déplacées de force dans le monde. Quand on vit à la frontière, que doit-on faire lorsque quelqu'un arrive sur notre propriété, moitié gelé, après avoir risqué sa vie pour chercher refuge ici ? Les remettre à la police, alors que, selon toute vraisemblance, ils seront renvoyés aux États-Unis ?
De nombreux obstacles s'opposent aux expulsions massives des États-Unis, notamment l'impact désastreux sur leur économie. Cependant, de nombreuses personnes seront lésées. L'expulsion implique la force et la souffrance à chaque étape : arrestation soudaine, familles séparées, détention dans des conditions terribles, embarquement forcé dans des avions et envoi vers des pays où ils peuvent être en danger. Souvenez-vous des enfants dans des cages à la frontière sud des États-Unis en 2018 ? Parmi eux, quelques 1400 enfants n’ont toujours pas rejoint leurs parents six ans plus tard. Et malgré la rhétorique, le nombre de personnes entrant aux États-Unis depuis le Mexique ne représente plus que 15 % de ce qu'il était il y a un an, soit le niveau le plus bas depuis quatre ans.
Les déportations massives renverront inévitablement de nombreuses personnes vers le danger, ce qui est contraire au principe fondamental du droit international des réfugiés. Face à cette situation, le gouvernement canadien continuera-t-il à affirmer que les États-Unis sont un pays sûr vers lequel renvoyer les réfugiés ? Nous ne voyons pas en quoi ces politiques inhumaines constituent une réponse appropriée à un problème mondial qui nécessite une coopération internationale, un partage des ressources et des solutions pacifiques aux causes des déplacements, au lieu de la militarisation. Ce sont les seules voies réalistes et durables qui reconnaissent que, en dépit des frontières, tous les êtres humains partagent les mêmes besoins de sécurité, de liberté face à la persécution et au besoin, d'acceptation et de communauté.
Notes
Selon une analyse de l'American Immigration Council, il y ont 13+ million de personnes sans papiers aux États-Unis.
Le Projet Migrants Disparus recense les décès de personnes en migration.
Selon le Washington Post, sur les 4 600 enfants séparés de force de leurs parents à la frontière sud des États-Unis en 2018, 1 400 sont toujours séparés de leurs parents six ans plus tard . Voir également notre lettre du 6 juillet 2018 au Premier ministre Trudeau à ce sujet.
Pew Research Centre: Les données sur les personnes qui franchissent la frontière sud des États-Unis .
Avec l'annonce par Trump de déportations massives, ce sont, selon une analyse par le Conseil américain de l'immigration, les 13+ millions de sans-papiers (selon l’American Immigration Council) vivant aux États-Unis qui ont de vraies raisons d'avoir peur. Notre groupe, Créons des ponts, ne craint pas pour notre sécurité, mais plutôt pour la sécurité de ceux et celles qui risqueront leur vie en essayant de trouver la sécurité au Canada. Depuis 2017, nous avons rencontré des centaines de demandeurs d’asile. Nous avons entendu leurs histoires et lu ce qui se passe dans leurs pays. Près de 60% ont reçu le statut de réfugié et beaucoup sont maintenant des résidents permanents et des citoyens. La plupart d'entre eux occupent des emplois essentiels, souvent mal rémunérés, dont nous dépendons.
Avons-nous vraiment des raisons d'avoir peur d'eux ? Depuis la fermeture du ch. Roxham en mars 2023, très peu de personnes sont entrées au Canada de manière irrégulière. Cette année, de janvier à octobre, 1104 personnes ont été interceptées au Canada, principalement en Colombie-Britannique (449), au Québec (541) et au Manitoba (90). L'Ontario reçoit désormais 56 % plus de demandeurs d'asile que le Québec, avec 77 404 demandes enregistrées de janvier à octobre (Québec - 49 635) , accompagnée d’une augmentation de la demande en Colombie-Britannique et en Alberta. Le Québec n'est donc plus la principale destination. En revanche, quelque 21 000 personnes ont été arrêtées aux États-Unis en provenance du Canada. Contrairement aux demandeurs d'asile, ces personnes sont essentiellement à la recherche d'opportunités économiques ou d'un regroupement familial aux États-Unis, et ont souvent recours aux trafiquants.
Les réfugiés arrivant au Canada par voie aérienne ou terrestre (y compris les demandeurs d'asile irréguliers interceptés par la police) sont contrôlés en vertu des mesures strictes de l’entente sur les tiers pays sûrs (ETPS). La grande majorité des personnes demandant l'asile à la frontière terrestre se rendent aux points d'entrée officiels. Environ un tiers d'entre elles sont refusées et renvoyées aux États-Unis. Aussi, le Canada dispose d'un processus de sélection rigoureux qui exclut les demandeurs d'asile pour cause de grande criminalité, de crime organisé, d’enjeux de sécurité et de violations des droits de l'homme. Et, à notre connaissance, il n'y a pas eu de cas documenté de demandeurs d'asile en situation irrégulière ayant causé du tort à des Canadiens à la frontière.
Nous comprenons les inquiétudes suscitées par l'augmentation du nombre de personnes fuyant les États-Unis. Mais le ch. Roxham, un point d'entrée sûr pour les demandeurs d’asile irréguliers est fermé. Les risques et les coûts sont désormais élevés. Qu'ils aient ou non les moyens de payer des passeurs pour les aider à traverser, ces personnes risquent d'être retrouvées, arrêtées et renvoyées aux États-Unis. Ils risquent également leur vie sur des terrains périlleux. Ensuite, après avoir traversé la frontière, et, s'ils ne sont pas détectés, ils doivent trouver un moyen de se cacher pendant deux semaines pour pouvoir déposer une demande d'asile (en vertu de la règle des 14 jours de l’ETPS ). Nous n'avons pas de boule de cristal, mais nous devons nous demander combien d'entre eux peuvent ou vont tenter l'expérience?
Le passage de réfugiés par les bois affecte personnellement plusieurs d'entre nous qui vivent près de la frontière. Les gens trouvent des vêtements et des sacs à dos sur leur propriété. Ces objets personnels nous font sentir la vulnérabilité de la personne qui est passée là. Nous voyons la GRC arrêter des véhicules et interroger les passagers ou les personnes qui se présentent sur notre propriété. Nous n'avons plus affaire à une statistique, mais à des personnes en détresse.
Un agriculteur local m'a dit que nous, qui vivons à la frontière, voyons le visage inhumain des politiques gouvernementales, et pas seulement ici, mais dans le monde entier, où des politiques cruelles, des barbelés, des murs, des policiers, des chiens, des garde-côtes, des hélicoptères, des drones et des capteurs sont utilisés pour arrêter ou empêcher l'entrée de personnes désespérées, les forçant à entreprendre des voyages risqués. Ces mesures contribuent de manière significative aux 68 139 décès documentés dans le cadre des migrations depuis 2014, chaque personne étant un être cher. Des milliers d'autres sont portés disparus
La crise des réfugiés est réelle ; elle n’est pas présente chez nous, mais plutôt partout où les gens doivent fuir la violence, la guerre, la persécution, le féminicide, le contrôle des gangs et les catastrophes climatiques. Aujourd'hui, il y a plus de 120 millions de personnes déplacées de force dans le monde. Quand on vit à la frontière, que doit-on faire lorsque quelqu'un arrive sur notre propriété, moitié gelé, après avoir risqué sa vie pour chercher refuge ici ? Les remettre à la police, alors que, selon toute vraisemblance, ils seront renvoyés aux États-Unis ?
De nombreux obstacles s'opposent aux expulsions massives des États-Unis, notamment l'impact désastreux sur leur économie. Cependant, de nombreuses personnes seront lésées. L'expulsion implique la force et la souffrance à chaque étape : arrestation soudaine, familles séparées, détention dans des conditions terribles, embarquement forcé dans des avions et envoi vers des pays où ils peuvent être en danger. Souvenez-vous des enfants dans des cages à la frontière sud des États-Unis en 2018 ? Parmi eux, quelques 1400 enfants n’ont toujours pas rejoint leurs parents six ans plus tard. Et malgré la rhétorique, le nombre de personnes entrant aux États-Unis depuis le Mexique ne représente plus que 15 % de ce qu'il était il y a un an, soit le niveau le plus bas depuis quatre ans.
Les déportations massives renverront inévitablement de nombreuses personnes vers le danger, ce qui est contraire au principe fondamental du droit international des réfugiés. Face à cette situation, le gouvernement canadien continuera-t-il à affirmer que les États-Unis sont un pays sûr vers lequel renvoyer les réfugiés ? Nous ne voyons pas en quoi ces politiques inhumaines constituent une réponse appropriée à un problème mondial qui nécessite une coopération internationale, un partage des ressources et des solutions pacifiques aux causes des déplacements, au lieu de la militarisation. Ce sont les seules voies réalistes et durables qui reconnaissent que, en dépit des frontières, tous les êtres humains partagent les mêmes besoins de sécurité, de liberté face à la persécution et au besoin, d'acceptation et de communauté.
Notes
Selon une analyse de l'American Immigration Council, il y ont 13+ million de personnes sans papiers aux États-Unis.
Le Projet Migrants Disparus recense les décès de personnes en migration.
Selon le Washington Post, sur les 4 600 enfants séparés de force de leurs parents à la frontière sud des États-Unis en 2018, 1 400 sont toujours séparés de leurs parents six ans plus tard . Voir également notre lettre du 6 juillet 2018 au Premier ministre Trudeau à ce sujet.
Pew Research Centre: Les données sur les personnes qui franchissent la frontière sud des États-Unis .